Tribulations d'un travailleur social

Episode 2 : les cahiers des charges

Travailler dans le social, aider les jeunes à trouver un emploi, lever les freins à l'emploi, tout cela semble bien vague pour un « non initié », la vérité est que c'est parfois bien trouble même pour les travailleurs sociaux. Chacun a des financeurs différents, dans la majorité de cas ce sont des financeurs publics, qui dit financeurs publics dit évaluation et obligation de résultats. Pour atteindre un résultat, il faut fixer un cadre de travail : c'est le cahier des charges.

De nos jours, il existe de nombreux dispositifs aidant les jeunes à l'emploi, la difficulté de mon poste est qu'il est...bâtard. Je suis embauché par un centre social grâce à des subventions particulières ce qui fait de moi une personne certes intégrée à une structure mais autonome. J'ai un cahier des charges qui définit le cadre de mes actions : l'âge du public à toucher, sa situation, les modalités d'accueil du public (confidentialité), etc.

Le souci est qu'un animateur PAPEJ n'est rien sans un réseau de partenaires territoriaux, des partenaires qui aident dans la construction des actions, l'orientation des jeunes et qui analysent et partagent un diagnostic du territoire. Tout ça semble idyllique mais chacun de ces partenaires à son propre cahier des charges qui, bien sur, ne correspond pas tout à fait au mien. Par exemple, je dois travailler sur le public 16-25 ans, alors que les éducateurs de rue interviennent dès 13 ans. Il s'agit donc d'essayer de mettre en place des actions qui, par leurs objectifs, permettent à tous de s'impliquer (éducateurs, centres sociaux, éducation nationale, etc.). Pour ne rien vous cacher, ça donne des réunions animées !

Le cahier des charges est un cadre nécessaire qui se heurte parfois à la réalité du terrain. L'exemple le plus parlant est celui des actions de prévention des ruptures scolaires. Il s'agit d'un volet important du PAPEJ : travailler sur un renforcement du projet professionnel chez les jeunes afin qu'ils continuent l'école après 16 ans. Premier écueil : le PAPEJ n'a pas le droit de travailler auprès des jeunes de moins de 16 ans alors que sur nos quartiers, la rupture scolaire existe bien avant 16 ans. On en arrive à tenter de travailler auprès de classes de 3ème « Insertion » (classe avec des 4 périodes de stages pendant l'année scolaire) remplies d'élèves absentéistes. J'ai rencontré en novembre une classe de 15 élèves, aux dernières nouvelles, ils ne sont plus que 3... Deuxième écueil : qu'est ce qu'un élève en rupture scolaire ? Jusqu'à la semaine dernière, était considéré comme « en rupture scolaire » tout élève n'ayant pas atteint le niveau IV (CAP/BEP). Jusque là je suivais, mais le Ministère de l'Education Nationale vient de changer la définition, aujourd'hui un élève en rupture scolaire est un élève qui a abandonné un cursus avant l'obtention du diplôme, ce qui inclut un élève de 1ère ayant abandonné avant la terminale. Certes c'est une définition qui colle plus à la réalité, mais elle impose de travailler sur un nombre très important de jeunes, il faut les repérer, travailler avec collèges et lycées, essayer de contacter ces jeunes et trouver une solution...

Le cahier des charges s'oppose donc parfois aux autres cahiers des charges, parfois à la réalité, que voulez vous ? Nous avons tous notre charge administrative à porter...

Cilli